Une équipe de chercheurs iraniens a récemment évalué les effets neuroprotecteurs du Shilajit, une substance naturelle utilisée depuis des siècles dans la médecine traditionnelle, sur les lésions cérébrales traumatiques. Leurs résultats, publiés dans l’Iranian Journal of Basic Medical Sciences, suggèrent que cette substance pourrait offrir de nouvelles perspectives thérapeutiques pour les traumatismes crâniens.

Traumatisme crânien et œdème cérébral : comprendre les bases
Le traumatisme crânien constitue un problème de santé majeur à l’échelle mondiale, causant environ 1,5 à 2 millions de blessures par an aux États-Unis et entraînant des coûts économiques estimés à 10 milliards de dollars. En Iran, où cette étude a été menée, environ 50 à 60% des décès par accident sont liés à des traumatismes crâniens.
L’œdème cérébral (gonflement du cerveau) et l’augmentation de la pression intracrânienne (PIC) qui en résulte figurent parmi les complications les plus graves pouvant survenir dans les premiers jours suivant un traumatisme crânien. Ces complications peuvent entraîner des lésions secondaires et augmenter significativement le risque de mortalité.
Contexte de l’étude
Cette recherche a été réalisée par des scientifiques du Centre de recherche en neurosciences et du Centre de recherche en physiologie de l’Université des sciences médicales de Kerman, en Iran. L’étude a été approuvée par le comité d’éthique médicale de cette université (référence n°EC/KNR/89-13) et financée par le Centre de recherche en neurosciences.
Objectif de l’étude
L’étude visait à évaluer les effets du Shilajit sur l’œdème cérébral, la perméabilité de la barrière hémato-encéphalique (BHE), la pression intracrânienne et les résultats neurologiques après un traumatisme crânien chez le rat.
Le Shilajit est une substance résineuse qui se forme naturellement dans certaines régions montagneuses, notamment l’Himalaya. Composé d’environ 20% de minéraux, 15% de protéines, 5% de lipides, 5% de stéroïdes, ainsi que de glucides, d’alcaloïdes et d’acides aminés, il est traditionnellement utilisé pour ses propriétés antioxydantes, anti-inflammatoires et neuroprotectrices.
Méthodologie
Design de l’étude
L’étude a utilisé 105 rats mâles adultes N-MARI Albino pesant entre 250 et 300 g, répartis en 5 groupes principaux de 21 rats chacun (divisés en 3 sous-groupes de 7 rats) :
- Groupe témoin (sham)
- Groupe traumatisme crânien (TBI)
- Groupe traumatisme crânien + véhicule (TBI-vehicle)
- Groupe traumatisme crânien + Shilajit 150 mg/kg (TBI-Shi150)
- Groupe traumatisme crânien + Shilajit 250 mg/kg (TBI-Shi250)
Protocole
Les rats ont été soumis à un traumatisme crânien diffus selon la méthode de Marmarou, qui consiste à laisser tomber un poids de 250 g d’une hauteur de 2 mètres sur la tête de l’animal anesthésié, protégée par un disque d’acier.
Le Shilajit a été collecté localement dans la région de Sardoiyeh (Jiroft/Kerman/Iran), puis préparé selon un protocole standardisé. Les groupes traités ont reçu des injections intrapéritonéales de Shilajit aux doses de 150 mg/kg ou 250 mg/kg à 1, 24, 48 et 72 heures après le traumatisme.
Les chercheurs ont évalué :
- La teneur en eau du cerveau (mesure de l’œdème cérébral)
- La perméabilité de la barrière hémato-encéphalique à l’aide du colorant bleu d’Evans
- La pression intracrânienne à -1, 1, 4, 24, 48 et 72 heures après le traumatisme
- Les résultats neurologiques selon l’échelle du coma vétérinaire (VCS)
Résultats
Effets sur l’œdème cérébral
Le traumatisme crânien a significativement augmenté la teneur en eau du cerveau (79,53% ± 1,05%) par rapport au groupe témoin (68,41% ± 0,87%). Les groupes traités au Shilajit ont montré une réduction significative de l’œdème cérébral :
- Groupe TBI-Shi150 : 70,80% ± 0,915% (réduction de 7,5%)
- Groupe TBI-Shi250 : 66,28% ± 0,98% (réduction de 13,8%)
Effets sur la perméabilité
de la barrière hémato-encéphalique
La quantité de colorant bleu d’Evans dans le tissu cérébral était significativement plus élevée dans le groupe TBI (35,4 ± 0,89 μg/g) que dans le groupe témoin (29,7 ± 0,32 μg/g). Le traitement par Shilajit a réduit cette perméabilité :
- Groupe TBI-Shi150 : 32,3 ± 0,32 μg/g (réduction de 10,5%)
- Groupe TBI-Shi250 : 29,5 ± 0,72 μg/g (réduction de 16%)
Effets sur la pression intracrânienne
La PIC a augmenté significativement après le traumatisme dans les groupes TBI et TBI-vehicle par rapport au groupe témoin. Le traitement par Shilajit a réduit cette augmentation à 24, 48 et 72 heures post-traumatiques :
À 72 heures post-traumatiques :
- Groupe TBI/TBI-vehicle : 21,7 ± 0,45 mm/Hg
- Groupe TBI-Shi150 : 10,89 ± 0,71 mm/Hg
- Groupe TBI-Shi250 : 9,43 ± 0,365 mm/Hg
Effets sur les résultats neurologiques
Les scores neurologiques (VCS) étaient significativement plus élevés dans les groupes traités au Shilajit à 4, 24, 48 et 72 heures après le traumatisme par rapport aux groupes TBI et TBI-vehicle, indiquant une meilleure récupération neurologique.
Conclusion
Cette étude démontre que le Shilajit possède des effets neuroprotecteurs significatifs après un traumatisme crânien, en :
- Réduisant l’œdème cérébral
- Diminuant la perméabilité de la barrière hémato-encéphalique
- Abaissant la pression intracrânienne
- Améliorant les résultats neurologiques
Applications potentielles en neurologie traumatique
Ces résultats suggèrent que le Shilajit pourrait être un candidat prometteur pour le développement de traitements contre les lésions cérébrales traumatiques, pour lesquelles les options thérapeutiques actuelles sont limitées.
Perspectives thérapeutiques
Les mécanismes d’action potentiels du Shilajit incluent :
- Ses propriétés anti-inflammatoires et antioxydantes
- Sa capacité à éliminer les radicaux libres
- Son action potentielle sur l’augmentation des activités de la superoxyde dismutase (SOD), de la catalase (CAT) et de la glutathion peroxydase (GPX)
- Ses effets sur l’amélioration de la circulation sanguine et de l’oxygénation des tissus
- Ses propriétés diurétiques qui pourraient aider à éliminer l’excès de liquide
Limites et prochaines étapes
Cette étude a été réalisée sur un modèle animal, et des recherches supplémentaires sont nécessaires pour déterminer si ces résultats peuvent être transposés à l’homme. De plus, les mécanismes moléculaires précis par lesquels le Shilajit exerce ses effets neuroprotecteurs restent à élucider.
Des études cliniques contrôlées seront nécessaires pour évaluer l’efficacité et la sécurité du Shilajit chez les patients atteints de traumatismes crâniens avant d’envisager son utilisation en pratique clinique.
Lexique médical
Barrière hémato-encéphalique (BHE) : Structure physiologique qui sépare le sang circulant du liquide céphalo-rachidien dans le système nerveux central, limitant le passage de substances potentiellement nocives.
Catalase (CAT) : Enzyme antioxydante qui décompose le peroxyde d’hydrogène en eau et oxygène.
Cytokines pro-inflammatoires : Molécules de signalisation produites par les cellules immunitaires qui favorisent l’inflammation.
Glutathion peroxydase (GPX) : Enzyme antioxydante qui réduit les peroxydes lipidiques et le peroxyde d’hydrogène.
Œdème cérébral : Accumulation excessive de liquide dans le tissu cérébral, entraînant un gonflement du cerveau.
Pression intracrânienne (PIC) : Pression exercée par le liquide céphalo-rachidien, le sang et le tissu cérébral à l’intérieur de la boîte crânienne.
Shilajit : Substance résineuse qui se forme naturellement dans certaines régions montagneuses, composée de minéraux, protéines, lipides et autres composés bioactifs.
Superoxyde dismutase (SOD) : Enzyme antioxydante qui catalyse la dismutation du superoxyde en oxygène et peroxyde d’hydrogène.
Traumatisme crânien : Lésion du cerveau causée par un impact extérieur sur le crâne, pouvant entraîner des dommages temporaires ou permanents au tissu cérébral.
VCS (Veterinary Coma Scale) : Échelle utilisée pour évaluer l’état neurologique des animaux, similaire à l’échelle de Glasgow utilisée chez l’humain.